Pleurs du nourrisson 0-2 mois

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Le sommeil du nouveau-né

Organisation du sommeil à la naissance

  • Le nouveau-né n’a pas de rythmes de veille et de sommeil réguliers avant l’âge de 2 à 3 mois. 
  • La régularité du rythme veille/sommeil se met en place secondairement avec l’installation du rythme circadien, favorisé par les donneurs de temps externes
  • Entre 0 et 3 mois : Besoins de sommeil moyens : 14h à 17h par jour (variabilité importante d’un enfant à l’autre et d’une culture à l’autre)
  • Les périodes de sommeil sont courtes mais fréquentes. Elles sont séparées d’1 à 2h de veille qui peut être calme ou agitée sans raison particulière

Structure du sommeil du nouveau-né

  • Le sommeil du nouveau-né est physiologiquement très fragmenté.
  • Les cycles de sommeil sont courts (50 à 60min contre 70 à 12O minutes chez l’adulte)
  • Il existe des réveils physiologiques d’une durée d’1 à 10min entre deux cycles de sommeil 
  • La capacité du nouveau-né à enchainer plusieurs cycles de sommeil dépend de sa satiété, de ses besoins de sommeil intrinsèques et de ses capacités d’auto-apaisement
  • Il est rare que qu’il puisse enchainer des cycles de sommeil durant plus d’1 à 5 heures consécutives durant les premières semaines de vie. 
  • Cette durée semble influencée par le type d’allaitement : 1 à 3h pour les enfants nourris au sein/2 à 5h pour les enfants nourris au lait artificiel

Sommeil calme et sommeil agité du nouveau-né

  • Cycles de sommeil du nouveau-né : alternance de phases de sommeil calme et de sommeil agité (ces phases n’existent pas chez l’adulte)

Sommeil « agité »

Sommeil « calme »

50 à 60% du temps de sommeil total
Phase survenant à l’endormissement, durant entre 10 et 45 minutes

30 à 40% du temps de sommeil total. Durée d’environ 20 minutes.

Durant cette phase, l’enfant peut paraître éveillé :

  • Il peut avoir les yeux à demi-clos
  • Les yeux sont mobiles
  • La respiration est rapide et irrégulière.
  • Il peut présenter des grimaces et sourires, des petites secousses des doigts et des orteils mais aussi des mouvements plus globaux, des geignements voire des pleurs.

Si on intervient durant cette phase de sommeil en pensant que l’enfant ne dort pas, on peut le réveiller à tort

Durant cette phase, l’enfant est calme :

  • Les paupières sont closes
  • La respiration est plus calme et régulière que lors du sommeil agité
  • L'enfant ne bouge pas, son tonus est conservé.

 

Que signifie « faire ses nuits » pour un nourrisson ?

  • Cela correspond à une capacité de sommeil de 5 à 6h d’affilé, sans nécessité d’intervention de la part des parents. 
  • L’enfant est en capacité de faire ses nuits entre 4 et 6 mois en moyenne. 
  • Cette capacité dépend :
    • De l’intensité des micro-éveils entre les cycles de sommeil : certains nourrissons se réveillent complètement de manière physiologique, d’autres restent dans un demi-sommeil.
    • De la durée des cycles de sommeil qui s’allonge avec l’âge, diminuant ainsi le nombre de micro-éveils et le risque de réveils complets avec pleurs
    • De la capacité du nourrisson à se rendormir seul, sans intervention des parents
    • De sa satiété : il est estimé qu’un enfant de plus de 5 kilos n’aurait plus besoin de téter la nuit. Cela varie selon les nourrissons. 

Différencier pleurs physiologiques et pleurs excessifs du nourrisson

  • Les pleurs sont un moyen d’expression et de communication du nouveau-né. Même s’ils sont naturellement perçus comme une alerte pour les parents, ils ne caractérisent pas toujours un besoin insatisfait. 
  • Ils peuvent correspondre à une forme d’éveil appelée « éveil agité », en particulier si l’enfant a des besoins de sommeil inférieurs à la moyenne pour l’âge. 
  • La durée moyenne des pleurs physiologiques du nouveau-né est de 2h par jour. 
  • Au-delà de 3h de pleurs par jour, plus de 3 jours par semaine, pendant plus de 3 semaines, on parle de « pleurs excessifs du nourrisson »
  • Les connaissances actuelles ne permettent pas d’expliquer tous les pleurs des nouveau-nés. 

Quelques étiologies des pleurs du nouveau-né

 

Pleurs du soir/pleurs de décharge

Pleurs d’endormissement ou survenant entre les cycles de sommeil

« Inversion du rythme jour/nuit »

Définition

- Apparition autour d’un mois de vie, avec la mise en place du rythme circadien
- Phase d’éveil agité survenant souvent en fin d’après-midi (17-22h), avec pleurs inconsolables
- Le nouveau-né semble inconfortable malgré que tous ses besoins soient satisfaits

- Durant les premières semaines de vie, le nourrisson s’endort en phase de sommeil agité.
- Cette phase peut être précédée par des pleurs et une agitation initiale avant la phase de sommeil.
- Une intervention précoce ou brutale durant cette période peut provoquer le réveil de l’enfant et une perturbation de son cycle de sommeil.

- Le nourrisson présente de plus longues phases d’éveil nocturnes que diurnes.
- Dans cette situation, les pleurs seront donc plus fréquents la nuit.

 

Conseils aux professionnels

- Expliquer les pleurs du soir, rassurer et déculpabiliser les parents
- Prévenir du risque d’épuisement parental (risque de maltraitance et de bébé secoué) par les conseils aux parents
- Accompagner et réévaluer : Rester disponible et à l’écoute, programmer un RDV de suivi éventuel

- Expliquer le sommeil agité
- Le sommeil des parents est aussi une priorité. Un manque de sommeil maternel est associé à une plus grande proportion de mères atteintes de dépression du post-partum.

- Expliquer la régularisation progressive du rythme veille sommeil sur l’alternance jour/nuit avec l’âge
- Aider les parents à repérer les signes de fatigue de leur enfant (irritabilité, geignements) afin de ne pas repousser le coucher

 

Conseils aux parents :

Si les pleurs persistent alors que les besoins du nouveau-né ont été assouvis (enfant nourri, changé, bercé), en l’absence de signes d’alertes de pathologie organique associée, on peut :

  • Demander l’aide d’un proche ou du conjoint, passer le relais de la garde de l’enfant
  • En cas d’absence d’une tierce personne, déposer l’enfant sur le dos dans son lit, dans un environnement sécurisé, quitter la pièce. La persistance des pleurs ne représente pas un danger pour l’enfant

- Ne pas intervenir trop précocement lorsque les pleurs surviennent immédiatement après le couchage, ou durant le sommeil.
- Patienter une à deux minutes, attendre une éventuelle intensification des pleurs avant d’aller chercher l’enfant.

- Favoriser l’exposition de l’enfant à la lumière du jour en particulier durant la matinée. La nuit, maintenir un environnement sombre. 
- Favoriser les interactions parents/enfants durant la journée. La nuit, adopter un comportement neutre (nourrir l’enfant dans une demi-obscurité).
- Ne pas déplacer l’enfant après son endormissement : L’environnement doit être le même au coucher et durant la nuit afin d’éviter le développement d’associations du sommeil inappropriées.
- Promouvoir l’auto-apaisement de l’enfant, en limitant les interventions répétées ou trop précoces lors des pleurs nocturnes (risque d’intervenir lors d’une phase de sommeil agité, et de réveiller l’enfant). 

Faut-il conseiller l’usage de la tétine ?

  • Objet de nombreuses études et controverses, sans preuve formelle de sa dangerosité ou de son innocuité à ce jour

Avantages

Inconvénients

- Auto-apaisement des pleurs et aide à l’endormissement
- Effet analgésique de la succion non nutritive
- Diminution des complications de la prématurité (tonification des muscles oro-phayngés prévenant le développement d'un SAOS)
- Facteur protecteur possible contre la mort subite du nourrisson

 

- Augmentation du risque d’otites moyennes aigues répétées chez l’enfant de plus de 12 mois en cas d’utilisation intensive
- Augmentation du risque d’infections
- Risque de malocclusion dentaire proportionnel à la durée et l’intensité d’utilisation (absence de risque en cas de sevrage de l’utilisation avant 1 an)

  • Interaction avec l’allaitement maternel restant controversée, dernières données rassurantes (méta-analyse de 2016). L’usage précoce de la tétine chez les nourrissons allaités serait plus souvent relié à des difficultés d’allaitement.
  • L’usage de la tétine n’est donc pas à décourager de manière systématique, le professionnel se doit néanmoins d’informer les parents des bénéfices et des risques, ainsi que de l’intérêt d’un sevrage avant 1 an 
  • Tétine ou pouce ? La tétine présente un avantage pour le sevrage. L’effet de la succion des doigts sur le risque de MSN n’est pas démontré. 

Diagnostics différentiels

  • « Insomnie du nourrisson » : On ne parle pas d’insomnie avant l’âge de 6 mois 
  • Pleurs excessifs du nourrisson : A évoquer en cas de pleurs > 3h par jour, > 3 jours par semaine depuis plus de 3 semaines
  • Pathologies organiques en lien avec le sommeil du nourrisson 
    • Allergie aux Protéines de Lait de Vache (APLV) 
    • Pathologies endocriniennes, métaboliques, neurologiques ou tumorale
    • Affections aigues : Invagination intestinale aiguë, infection en cours 
    • Reflux Gastro-Oesophagien 
    • Altération du lien parent-enfant

Sources

1.     Mindell JA, Owens JA. Clinical Guide to Pediatric Sleep, 3rd Edition. Lippincott Williams AND Wilkins. 2015. 
2.     Meijer AM, van den Wittenboer GLH. Contribution of infants’ sleep and crying to marital relationship of first-time parent couples in the 1st year after childbirth. Journal of Family Psychology. 2007;21(1):49‑57. 
3.     Jaafar SH, Ho JJ, Jahanfar S, Angolkar M. Effect of restricted pacifier use in breastfeeding term infants for increasing duration of breastfeeding. Cochrane Database of Systematic Reviews [Internet]. 2016 [cité 10 janv 2022];(8). Disponible ici
4.     Martello E. Enfin je dors... Et mes parents aussi. 2ème édition. Broché. 2019. 
5.     Joseph D, Chong NW, Shanks ME, Rosato E, Taub NA, Petersen SA, et al. Getting rhythm: how do babies do it? Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed. janv 2015;100(1):F50‑4. 
6.     Hiscock H, Wake M. Infant Sleep Problems and Postnatal Depression: A Community-Based Study. Pediatrics. 1 juin 2001;107(6):1317‑22. 
7.     Challamel M-J, Franco P, Hardy M. Le sommeil de l’enfant. Masson. 2012. 
8.    Challamel M-J. Le sommeil du tout-petit. Une lecture pratique et scientifique. Philippe Duval. 2020.
9.     Thirion M, Challamel M-J. Le sommeil, le rêve et l’enfant. Albin Michel. 2011. 
10.     Les bonnes pratiques [Internet]. Le sommeil de l’enfant. [cité 8 janv 2022]. Disponible ici
11.     Ponti M, Société canadienne de pédiatrie, Comité de la pédiatrie communautaire. Les recommandations sur l’usage des sucettes. Paediatrics & Child Health. 1 oct 2003;8(8):523‑8. 
12.     Les recommandations sur l’usage des sucettes. Paediatr Child Health. oct 2003;8(8):523‑8. 
13.     Dauvilliers Y. Les troubles du sommeil. Elsevier Health Sciences; 2019. 457 p. 
14.     Thomas KA, Burr RL, Spieker S. Light and maternal influence in the entrainment of activity circadian rhythm in infants 4–12 weeks of age. Sleep Biol Rhythms. juill 2016;14(3):249‑55. 
15.     La tétine peut-elle être recommandée dans la prévention de la mort subite du nourrisson ? Mémoire Sarah Mosser 2021.
16.     McGraw K, Hoffmann R, Harker C, Herman JH. The Development of Circadian Rhythms in a Human Infant. Sleep. mai 1999;22(3):303‑10. 
17.     Les bonnes pratiques [Internet]. Le sommeil de l’enfant. [cité 8 janv 2022]. Disponible ici

Publié le 24 avril, 2022