Pleurs du nourrisson 2-6 mois

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Enjeux de la prise en charge des problèmes de sommeil des tout-petits

  • Fréquence des problèmes de sommeil de l’enfant < 5 ans élevée : prévalence estimée entre 25 et 50%
  • 70% de ces troubles sont d’origine comportementale et 30% sont symptomatiques d’une pathologie somatique, d'un trouble psychiatrique ou neuro-développemental. 
  • La détection et la prise en charge précoce d’un trouble du sommeil diminue le risque de persistance à l’âge adulte 
  • Les difficultés de sommeil d’un enfant ont aussi un retentissement important sur l’équilibre familial 
  • Il y a un plus fort risque de maltraitance 

Comprendre l’organisation du sommeil du nourrisson entre 2 et 6 mois

Évolution de la structure du sommeil du nourrisson

  • Entre 1 et 3 mois, le sommeil calme du nouveau-né se transforme en sommeil lent léger et sommeil lent profond. Le sommeil agité devient le sommeil paradoxal
  • Vers l’âge de 6 mois, l’enfant s’endort en sommeil lent (comme l’adulte) et non plus en sommeil agité
  • La durée des cycles de sommeil augmente progressivement pour atteindre 60 à 75min à partir de 3 mois

Régularisation des rythmes veille/sommeil et du rythme circadien pour se caler sur l’alternance jour/nuit autour de 4 mois

  • Régularisation de la répartition des siestes dans la journée : matin/début d’après-midi/fin d’après-midi
  • Besoins de sommeil moyens : 14h par jour à 6 mois

Capacité à « faire ses nuits »

  • Il s’agit de la capacité de l’enfant à se passer de l’intervention de ses parents pendant 5 à 6h d’affilée. Un enfant couché vers 20h qui se réveillerait vers 4h du matin est donc considéré comme faisant ses nuits.
  • Cela est possible en moyenne à partir de 4 à 6 mois.

Vérifier l’absence de point d’appel d’une pathologie somatique

  • Temps de sommeil < 5h/24h (APLV)
  • Toux nocturne +/- terrain atopique/> 3 bronchiolites (asthme, RGO)
  • Éveils soudains non consolables (pathologie aiguë, invagination intestinale aiguë)
  • Anomalie de courbe de croissance (pathologie endocrinienne)
  • Fièvre (infection aiguë, tumorale)
  • Troubles digestifs et régurgitations anormales (RGO, APLV)
  • Affections dermatologiques (eczéma, prurit)
  • Anomalie du développement psychomoteur (épilepsie nocturne, déficits mentaux ou neurosensoriels)
  • Ronflements nocturnes et/ou pauses respiratoires, anomalies cranio-faciales (SAOS)

Causes fréquentes de pleurs

Rythme veille/sommeil anarchique après 4 mois

  • Il s’agit d’un retard de mise en place des rythmes veille/sommeil
  • Cela peut être un signe d’alerte d’un trouble du neuro-développement (TSA) ou d’une pathologie neurosensorielle (cécité, surdité)
  • Mesures conseillées :
    • Régularisation des heures de coucher/lever, siestes, repas et bains à partir de 4 mois
    • Exposition matinale à la lumière du jour (ex : promenade en plein air)
    • Renforcement des interactions diurnes avec le nourrisson
    • Activités calmes dans les 2h précédant le coucher
    • Veiller à l’absence d’exposition aux écrans
    • Marquer une différence de comportements entre les interventions nocturnes et celles de la journée : rester neutre, éviter de prolonger les interactions durant la nuit
    • Mettre en place un rituel du coucher le plus tôt possible (signal pour l’enfant qu’il va être l’heure de se coucher)
       

Pleurs excessifs du nourrisson ou « coliques du nourrisson »

  • Pleurs > 3h par jour, > 3 jours par semaine sur une période > 3 semaines, chez un nourrisson âgé de 0 à 4 mois, en bonne santé.
  • Risque de maltraitance accrue par épuisement parental
  • Étiologie inconnue (origine digestive non démontrée)
  • Disparition spontanée autour de 3 à 4 mois de vie en moyenne
  • Prise en charge : Informer, légitimer, soutenir, accompagner, prévenir l’épuisement
  • Lien vidéo d’information destinée aux parents 
     

Pleurs de fatigue/veille agitée

  • Plus un enfant est fatigué, plus il est agité et irritable et plus il peut pleurer
  • Lorsque tous les besoins de l’enfant sont satisfaits, s’il continue à pleurer, il n’est pas délétère de le déposer dans son lit, en sécurité, afin de lui permettre de s’endormir.
  • En cas de persistance des pleurs, il est conseillé d’intervenir régulièrement (toutes les 5 minutes environ, ou avant en cas de renforcement des pleurs) afin de rassurer l’enfant. 

Pleurs nocturnes

  • Les nourrissons présentent des micro-éveils d’une durée comprise entre 1 et 10 minutes entre chaque cycle de sommeil (environ 8 micro-éveils/nuit à 3 mois)
  • Le nombre de réveils diminue avec l’âge, proportionnellement à la durée des cycles
  • Durant ces périodes, le nourrisson peut pleurer pour se rendormir.
  • En cas d’intervention trop précoce, on peut provoquer un éveil prolongé

Quelques clés pour faciliter de sommeil du nourrisson

Une bonne hygiène de sommeil

  • Régularisation des heures de coucher/siestes/repas y compris les weekends dès 4 mois ainsi que la diminution progressive des alimentations nocturnes.
  • Mise en place d’un rituel du coucher de 10 à 15min qui servira de repère pour l’enfant (exemple : câlin, chanson douce…)
  • Éviter les stimulations trop intenses durant les 2 à 3h précédents le coucher.
  • L’exposition à la lumière du jour doit être suffisante dès le matin (promenades etc.)
  • Les nourrissons < 2 ans ne devraient pas être exposés aux écrans, même indirectement (altération du développement psychomoteur, diminution du temps de sommeil…)

Un bon environnement de sommeil

  • Environnement de sommeil propice : chambre silencieuse et fraîche (aux environs de 18°C), sombre.
  • Les veilleuses sont inutiles < 2 ans (c'est au-delà de cet âge que peut apparaître la peur de l’obscurité). De plus, si elles sont rétro-éclairées en lumière bleue, elles peuvent interférer avec la sécrétion de mélatonine et perturber le sommeil.

Promouvoir l’auto-apaisement

  • Ne pas intervenir trop tôt en cas de pleurs nocturnes afin de laisser une occasion au nourrisson de se rendormir seul (> 5 minutes). C’est la cause la plus fréquente des troubles du sommeil de l’enfant.
  • Quitter la chambre avant que l’enfant ne soit endormi.
  • Le rapport bénéfice/risque de l’usage de la tétine semble favorable jusqu’à 1 an, passé cet âge, il faudra veiller au sevrage de son utilisation (risques d’infections à répétition, de malocclusion dentaire...). 
  • La succion des doigts n’a pas été suffisamment étudiée pour pouvoir conclure aux mêmes bénéfices.

Éviter les erreurs alimentaires

  • A partir de 4 à 6 mois, le nourrisson est en capacité de se passer d’alimentation pendant 5 à 6h d’affilé. 
  • La persistance d’une alimentation nocturne trop importante passé cet âge entraine :
    • Une distension vésicale favorisant les micro-éveils
    • Une diminution des prises alimentaires la journée au profit des prises nocturnes
    • Un risque plus élevé de reflux gastro-œsophagien
    • Une augmentation du risque d'associer l'alimentation à l'endormissement (erreur de conditionnement).
  • En revanche, une alimentation insuffisante (< 5 repas par jour avant 6 mois) ou non diversifiée augmentera le risque de fragmentations du sommeil

Éviter les troubles du conditionnement

  • Quitter la chambre avant que l’enfant ne soit endormi.
  • Ne pas déplacer l’enfant après l’endormissement.
  • L’environnement de sommeil doit rester stable pendant la nuit (pas de lumière ni de musique éteintes secondairement par exemple).
  • Éviter l’endormissement au sein ou au biberon :
    • Arrêter la tétée ou le biberon dès les premiers signes d’endormissement
    • Déposer l’enfant groggy mais pas endormi dans son lit après la tétée. On peut le stimuler légèrement si besoin (change, etc.)

Sources

1.     Mindell JA, Owens JA. A Clinical Guide To Pediatric Sleep, Diagnosis and management of sleep problems. Lippincott Williams AND Wilkins; 3e édition. 2015. 
2.     American Academy of Sleep Medicine, Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil. Classification Internationale des Pathologies du Sommeil. Traduite de L’International Classification of Sleep Disorders third version. 3ème Edition. 2014. 
3.     Meijer AM, van den Wittenboer GLH. Contribution of infants’ sleep and crying to marital relationship of first-time parent couples in the 1st year after childbirth. Journal of Family Psychology. 2007;21(1):49‑57. 
4.     Mindell JA, Meltzer LJ, Carskadon MA, Chervin RD. Developmental aspects of sleep hygiene: Findings from the 2004 National Sleep Foundation Sleep in America Poll. Sleep Medicine. août 2009;10(7):771‑9. 
5.     Martello E. Enfin je dors... et mes parents aussi. 2ème édition. Editions du CHU Sainte-Justine. 2018. 
6.     Joseph D, Chong NW, Shanks ME, Rosato E, Taub NA, Petersen SA, et al. Getting rhythm: how do babies do it? Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed. janv 2015;100(1):F50‑4. 
7.     Galland BC, Mitchell EA. Helping children sleep. Archives of Disease in Childhood. 1 oct 2010;95(10):850‑3. 
8.     Challamel M-J. Le sommeil du tout-petit. Une lecture pratique et scientifique. Philippe Duval. 2020. 
9.     Thirion M, Challamel M-J. Le sommeil, le rêve et l’enfant. Albin Michel. 2011. 
10.     Ponti M, Société canadienne de pédiatrie, Comité de la pédiatrie communautaire. Les recommandations sur l’usage des sucettes. Paediatrics & Child Health. 1 oct 2003;8(8):523‑8. 
11.     Dauvilliers Y. Les troubles du sommeil. Elsevier Health Sciences; 2019. 457 p. 
12.     Thomas KA, Burr RL, Spieker S. Light and maternal influence in the entrainment of activity circadian rhythm in infants 4–12 weeks of age. Sleep Biol Rhythms. juill 2016;14(3):249‑55. 
13.     Mémoire Sarah Mosser 2021. 
14.     Prise en charge des insomnies du jeune enfant. mt pédiatrie. 2013;(16(2)):97‑107.

Publié le 24 avril, 2022